2022-12-14

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 À Jean, mon cher neveu,

   hommage et affection

                 tante Cécile


... qui a trouvé prétexte pour réunir quelques tableaux de mes "Couvents de ma mémoire".

                                                                                                                      Yvonne

..

COUVERTURE

Suzanne Grenon Rhains


REPROGRAPHIE

Les Pro de la Copie

646-A Chemin St-Thomas

Chicoutimi, Qc. G7H 6A2

Tél.: (418) 549-1227


CONSEILLER

Louis Savard


TEXTES

Céciles Tremblay


ARTISTE-PEINTRE

Yvonne Tremblay-Gagnon


Dépôt légal 3e trimestre 1990

Bibliothèque nationale du Québec

Bibliothèque nationale du Canada, Ottawa


@ Tous droits réservés. La reproduction des tableaux est interdite sans l'autorisation de l'artiste-peintre.


ISNN 2-9802091-0-4




Introduction

 À l'occasion des fêtes du centenaire des Ursulines de Roberval, je fus très impressionnée par le nombre et la qualité des femmes venues célébrer et évoquer des souvenirs.

Que sont-elles devenues, les Ursulines de jadis? Actives u sein de la société québécoise, elles oeuvrent dans des domaines variés contribuant ainsi à l formation d'un peuple, de sa vie culturelle et de son milieu.

À l'instar des Ursulines, d'autres communautés enseignantes se sont dévouées à l'éducation des filles dans la région et ailleurs au Québec. N"est-ce pas chez les Soeurs de l'Assomption de Nicolet que la cadette de notre famille, Yvonne, reçut sa formation et sans doute la chance de développer son talent artistique ?

Peintre reconnue, Madame Yvonne Tremblay-Gagnon exposa à Jonquière, en 1983, une série de tableaux intitulée "Les Couventines' illustrant certaines scènes savoureuses de la vie d'une jeune pensionnaire.

Rapidement vendues, les toiles ont été dispersées ici et là. "Quel dommage de les séparer !" me dit mon voisin lors du vernissage. Que faire pour retrouver le thème qui les unit ?

Peut-être un album ? ...

Or, l'Université du troisième âge se forme à Chicoutimi. Je m'y inscris en psychologie et aussi en français-rédaction, l'occasion rêvée de composer les textes de présentation des tableaux. Lentement, laborieusement, le projet se concrétise et se réalise enfin !

Je suis heureuse de l'offrir en hommage à nos éducatrices d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Et j'invite les lectrices (et lecteurs) à revivre ces agréables années où l'apprentissage, la formation, la discipline et le succès n'étaient pas synonyme de période de gtande noirceur.

Madame Rachelle Côté, retraitée de l'enseignement, résume bien ma pensée lorsqu'elle dit: "Après avoir tant reçu, je ne pouvais me permettre d'être quelconque."


Le départ


 


Le drapeau saguenéen

Flotte au rythme de mon coeur

Chaviré par le départ.


Et pourtant, quel enchantement !


Voici le train

Annonçant

L'heure de l'envol

Vers le rêve caressé

Depuis tant d'années :

Transplanter mes espoirs

Dans le jardin

D'une maison d'éducation renommée.


La malle attend,

Remplie de vêtements,

Cousus d'amour maternel,

Compagne inséparable

De mes souvenirs.


Évasion


 Jour d'automne.

Les feuilles jonchent le sol

Et crissent sous mes pas.

Premier congé,

Halte appréciée dans ce pensionnat

Où l'âme se cherche

Depuis déjà quelques lunes.


Dans l'allée du couvent,

Anciennes et nouvelles se promènent,

Jacassant à leur aise

Près des «jupes» de la Soeur.


Quel profond réconfort

De m'éloigner du groupe

Discrètement

Pour rejoindre mes racines.

Que vivent-ils

Les miens ?

Papa, maman !

Ma soeur aînée,

Déjà enseignante.

Et les jeunes à l'école ?

Ma filleule chérie

Aurait tant besoin de moi

Pour la rassuret, la cajoler.

Et les récoltes, et les conserves,

Ah ! Les longues journées...

À la bibliothèque


 

Que de livres ! Pensai-je

Moi, jeune adolescente

Qui, il y a si peu de temps,

Dévorais le roman-feuilleton du journal

Dès qu'il arrivait.

Lorgnais l'éditorial,

Sans parler de la bibliothèque familiale

Bien garnie.


Choisir n'est pas facile !

Explorer les rayons, cueillir,

Au gré de ma fantaisie, Bazin,

Lamartine, Groulx,

Laure Conan, De Gaspé, Nelligan.

Et par la suite me plonger dans le plus séduisant.


Plus rien n'existe autour de moi,

Sinon le goût de continuer à lire.

Cependant, la réalité me ramène vite

Au but précis de ma visite :

Me documenter afin de préparer

Un travail de français.

La leçon de français





« L'essentiel est invisible pour les yeux » – Saint-Exupéry


Que signifie pour moi l'essentiel ?

À l'âge où l'espoir

Est illimité

Comment le saisir...

Invisible

Pour les yeux !


Rêver à l'horizon infini

Afin de découvrir

L'amour,

L'éclatement des bourgeons généreux.

Cheminer et explorer

Les sentiers

S'offrant à mes rêves,

À mes idéaux.


Parmi ces champs qui m'attirent,

Variés comme les couleurs

De l'arc-en-ciel

Au soleil du matin,

Lequel d'entre eux

Me révélera

L'essentiel

Encore invisible

À mes yeux ?





 

Au dortoir




Les cloisons de blanc coton plissé

Veillent sur l'intimité de cette

Oasis de repos.

Le seul lieu m'appartenant vraiment ici.

Pourtant, jadis, à la maison paternelle,

J'aimais partager ma chambre

Avec une soeurette.


Alors que je vaque minutieusement

A maintes occupations personnelles,

L'esprit vagabonde,

L'imagination s'affole,

Et le coeur palpite.


Quel délice de me glisser

Dans le lit où la couverture,

Tissée de la laine

Provenant des moutons de la ferme,

Me procurera une bien douce chaleur !
 

Nostalgie


Heureuse de m'être échappée

Sans permission

Pour grimper

Au grenier,

Me voià assise sur la malle,

Après l'avoir dépouillée

Des vêtements d'hiver.


Enfin seule ! Comme je me sens bien !

Libre de penser à qui je veux

Et surtout,

À ce qui me manque...

Même les taquineries de mon frère !


Classe, étude, ateliers,

Et la chorale que j'aime tant.

Tout est parfois si captivant, si lourd.


Que j'ai hâte d'être revenue chez moi !

 

La confession


 

Séance hebdomadaire

Libre,

Mais à chaque pensionnaire

Fortement conseillée.


Attendant mon tour

De me présenter

Je cherche dans ma conscience

Ce qui a pu la ternir...


Cependant, d'où vient

En moi

Cette appréhension,

Cette nervosité

Ressentie ?

Tendue,

Je m'agenouille

Et récite la formule rituelle

Puis l'accusation.


Et j'écoute

L'exhortation du prêtre,

Ses conseils judicieux

Suivis enfin du pardon.


Légère, je me relève

Encouragée, vivifiée.

Une paix profonde m'accompagne

Pour la semaine à venir.

Le parloir


 

Demandée au parloir !

Je dégringole les marches

Et me retrouve face à ma soeur

Qui m'apporte de ma mère

Linge et sucreries.


– Hum ! que c'est bon !

– Vous avez des grilles ici ?

   Serais-tu cloitrée ?

– Bien non ! C'est que la Soeur est là.

– Est-ce qu'elle entend

   ce que l'on dit ?

– Ne t'inquiète pas,

   elle voit tout mais n'écoute pas.

– Vous ne suivez pas le règlement

   des religieuses ?

– Voyons ! Parfois les mères

   mettent le silence de côté

   Lors de la dernière leçon de science,

   nous avons passé la soirée dehors:

   cours sur les constellations.

   Ça me rappelait le soir où papa

   nous avait montré

   la Grande Ourse,

   la Petite Ourse

   et l'Étoile Polaire.

   Te souviens-tu ?

– Bien sûr ! J'y pense encore

   lorsqu'on va se glisser

   au clair de lune,

   le soir, après souper.

– Ici, la patinoire est prète.

   J'aimerais avoir des patins à Noël...

   Veux-tu le demander à maman.

– Sûrement \ Compte sur moi.

   Et n'oublie pas de fouiller ton sac,

   j'ai vu quelqu'un y déposer une lettre...


Retour au pensionnat


 

Finies les grandes vacances

Aux senteurs de foin

Et de framboises

Parfumées.

Que de faits à raconter

Aux amies

Qui m'attendent dans ces murs

Déjà apprivoisés.


Et je songe

A ce splendide été

Plein de chaleur,

De vent, de clair de lune

Et de soirées en chansons.

Revivant travail,

Pique-nique, excursions

Où je cueillais

Les précieuses plantes

Pour mon herbier.


Peut-être que ma voisine

Au billet doux

Me confiera

Un des secrets de son coeur,

Avant que la mélancolie

Ennuage

Mes souvenirs ensoleillés.

Les grandes amitiés

 


Venues de la même paroisse

Sans nous connaître vraiment,

Aujourd'hui compagnes de classe

Parfois rivales académiques

Nous tissons, au fil des jours,

Les liens d'une solide amitié.


Espiègles et complices,

Attentives à la confidence

Ou au chagrin de l'autre,

Nous nous complétons

Fort bien,

Même lors des travaux et discussions:

Elle, distinguée et sage,

Moi, vibrante et spontanée.


Les heureux moments

De nos brèves rencontres

Après tant d'années

Resserrent encore

Ces liens immortels

Créés aux jours

D'antan.

La lettre


Une lettre de papa,

Quelle merveilleuse surprise !

M'écrire à moi ?

Inhabituel !

Toute correspondance

Vient toujours de maman.


Est-ce qu'il s'ennuit ?

Il m'aime donc aussi !

Tout comme mes grandes soeurs,

Même si je ne suis pas

toujours sage.


Radieuse,

Je presserai la lettre

Sur mon coeur,

Me rappelant les battements

Entendus

Lorsque, petite fille,

Papa me berçait dans ses bras.

La sortie en ville

 Les pensionnaires partent

Vers la ville,

Heureuses comme des oiseaux libérés.


Chacune se présente

Au rendez-vous fixé.

Alors que d'autres,

Faux prétextes à l'appui,

Se baladent librement.

L'annonce du printemps

Se réflète dans les alléchantes vitrines,

Et le soleil réchauffe l'atmosphère

Stimulant les ardeurs juvéniles

Des pensionnaires.


Soudain,

Au coin de la rue,

Une rencontre fortuite:

Un jeune séminariste survient

Et me salue gentiment.

Surprise, émue,

Le coeur en chamade,

Les sons se nouent dans ma gorge;

Mais nos regards

Se croisent et valent mieux

Que le plus beau des discours.

La leçon de piano

 Au bas de l'escalier

Menant à la chapelle,

J'écoutais,

De l'organiste

La pratique mélodieuse.


«Vous aimez la musique,

Me dit une religieuse,

Je vais vous inscrire

Aux cours de piano.»

     Mon rêve!

      Mes parents...


Deux fois la semaine,

Je reçois des leçons

Dans cette salle de musique

Dont j'adore l'importance

Et la simplicité.


En cette fin d'année

Où je mets tant de coeur

A la pratique

De mes pièces,

Mère me dit:

«Je suis fière de vous,

Quelle musicalité!

Vous jouerez en solo

A la distribution des prix.»


Récompense inoubliable...



La distribution des prix


Voici le grand jour !
Soignant ma tenue.
Le revois en esprit
Le film de ma vie d'étudiante.
Heureuse époque
Enrichissante malgré certains jours
De nuages. assombris.
À l'heure venue
Les élèves prennent place à la salle
Où se présentent les dignitaires
Escortés des autorités.

Une étudiante, sans doute un prix de distinction,
Commence la lecture du palmarès.
Prix et médailles
Sont remis aux plus méritantes:
Succès académiques, excellence du
Comportement,
Et aux finissantes, la couronne des diplômées.

Heure de gloire, chargée d'émotions.
Fierté des parents.
Un seul regret :
Quitter pour les défis à venir
Cette source d'eau vive
Qui m'a tant
Abreuvée.
Me rappelant ces vers de Lamartine:
«Une part de mon âme
Est restée en ces lieux
Où mon heureuse jeunesse
A chanté son cantique.»




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 Cécile Tremblay

1121 Joseph-Dandurand  #29

Chicoutimi G7H 6S4

Québec


 – Née à Métabetchouan en 1920.

 – Études chez les Ursulines de Roberval.

 – Diplôme d'enseignement et brevet en sciences ménagères.

 – Mariée à Jean-Charles Villeneuve.

    Douze enfants naissent de cette union.

    Monsieur Villeneuve décède en octobre 1971.

 – Cécile Tremblay oeuvre au sein de l'AFEAS

    et enseigne le français aux adultes, à Alma,

    de 1967 à 1984.

 – Membre-fondateur de la Coopérative d'Habitation

    l'Angevine de Chicoutimi, 1981.

 – Depuis 1987, Cécile Tremblay suit des cours de psychologie

    et de français-rédaction à l'université du troisième âge à

    Chicoutimi.

 – Elle puble « Les Couventines  », le 14 septembre 1990.

Lettre à Jean

 Chicoutimi, le 14 nov. 1990

Mon cher neveu,
Merci pour ta lettre, la seule que j'ai reçue commentant mon livre.
Tu l'interprètes selon ce qui te touches, toi, et l'exprime bien. C'est évident que tu as "des lettres" et cette facilité d'exprimer tes sentiments.
Ma réalisation, guidée par des professeurs, est d'abord une oeuvre littéraire, destinée à accompagner une série de tableaux illustrant la vie d'une pensionnaire au couvent d'où l'inclusion des moniales augustines de la série "Couvents de ma mémoire".
J'y exprime les sentiments que j'ai vécus à cette époque de ma vie mais aussi les idées glanées au cours de mes conversations avec mes amies ayant reçu l'éducation dans les couvents. Exemple : la leçon de piano. La 1ère partie est de moi, la 2è est inspirée par les souvenirs d'une amie, la 3è, de Madeleine ma soeur. Moi, je n'ai pas appris le piano.
Le premier brouillon de "la lettre" a été critiqué par Yvonne. "C'est Claire que j'ai représentée sur le tableau, c'est à elle que papa avait écrit" me dit-elle. J'ai donc refait entièrement ce texte en imaginant vivre le personnage de Claire.
C'est ainsi sur la Couventine qui parle n'est pas nécessairement moi. Les oeuvres littéraires ne sont pas toujours autobiographiques.
Trois textes sont vraiment "miens" : la leçon de français, évasion et le retour au pensionnat. À mon idée, ils sont les plus réussis.
Tu interprètes bien mes liens avec la ferme de mon père et cele de Jean Charles, les deux hommes que j'ai le plus aimés, leur trouvant maintes similitudes.
Jean, continue de t'exprimer par l'écriture, tu en as le talent.
Bonjour ! Merci!
Cécile.
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